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» Petit kaléidoscope des merveilles de la route de la soie
Des muriers vieux de 1400 ans ombragent la place de Boukhara; des platanes au tronc éléphantesque de 1000 ans puisent leur force au pied de la source d’Urgut; le raisin le plus sucré du monde se déguste dans la ville oasis de Turfan; au pied des dunes de Dunhuang, une espèce de peuplier inconnue en Europe, le populus diversifolia, offre des feuilles de formes différentes et plonge ses racines vingt mètres sous le sable; les poivriers dits du Sichuan s’étagent en terrasses entre blés et maïs. Nous n’étions pas prévenus: la route de la soie entre Khiva l’ouzbéque et Xian la chinoise fut une promenade botanique.
Une promenade gourmande et chaleureuse aussi… Comment oublier le déjeuner chez l’habitant, la grande table sous la treille chargée de fruits secs et de pastèque dans un vieux village en adobe du Xinjian, le koumis (lait de jument fermenté) bu sur le bord de la route au Kirghizistan et le miel offert par les nomades occupés à monter leur yourte d’été, le canard laqué partagé avec nos guides et chauffeur avant de prendre le train de nuit pour Jiayuguan, le festin de raviolis en regardant les danseuses Tang -un peu kitch- à Xian. Et plus généralement les délices de la cuisine chinoise dégustée dans les petits restaurants et non dans les gargotes pour touristes. Pas de commentaires sur la cuisine ouzbèque pour rester diplomate. Mais le souvenir d’une pastèque et d’un pain chaud au pied d’une source et l’invitation de pique-niqueurs à partager le plov, plat national à manger avec modération.
La route de la soie suivie durant près de quatre semaines , nous en connaissions d’avance les étapes; mais malgré moultes lectures -du « Devisement du monde » de Marco Polo à « l’Asie centrale. Histoire et civilisation » en passant par l’indispensable « Guide des civilisations de la route de la soie » d’Hervé Beaumont – , nous en ignorions les merveilles.
Xian et ses armées de guerriers et chevaux miraculeusement retrouvées sous terre était attendue. Mais pas les grottes de Mogao, des centaines de grottes couvertes de fresques dont la réalisation par des moines bouddhistes s’est étalée entre le 4ème et le 14ème siècles. Vision trop fugitive de scènes religieuses et profanes très colorées (labours et chasses immortalisées au VIème siècle) qui appelle une révision dans les beaux livres de la bibliothèque du musée Cernuschi à Paris.
Les villes mythiques de l’Ouzbékistan sont certes en photo dans tous les livres de géographie. Mais il faut éprouver la chaleur (42° à Khiva) et le scintillement des mosaïques bleues au coucher du soleil, l’impressionnante forêt de colonnes de bois sculpté d’une mosquée de Khiva, la douceur du thé siroté sur les bords du grand bassin ombragé de Boukhara pour dépasser les images. Que choisir ? Khiva, un rêve du passé enfermé dans ses murs crénelés, Boukhara et ses opulents bazars, Samarkand, la soif de conquête de l’islam incarnée dans ses gigantesques mosquées et medersa, restaurées à grands frais.
Les monastères tibétains du Quinhai font rêver les Occidentaux en mal d’exotisme mais, sur place, notre regard curieux et incrédule se heurte à la ferveur des pèlerins qui se prosternent indéfiniment et à l’insouciance des jeunes nonnes qui récitent des mantras tout en jouant avec leur portable.
La traversée du Fleuve jaune en barque est moins périlleuse que redoutée, une simple promenade pour gagner des grottes encore, mais celles de Blingling sont peuplées de statues de bouddhas et bottitshava; l’une d’elles ressemble à s’y méprendre au grand Bouddha de Bamiyan détruit par les Talibans en Afghanistan. Ultime étape avant la traversée du Kirghizistan, Kachgar la ville du pays ouïgour hésite entre moyen-âge et XXIème siècle avec ses petites maisons refermées sur des cours ombragées dans la vieille ville, ses artisans au travail avec des outils dérisoires et les vastes avenues bordées de restaurants à terrasse, le grand marché aux bestiaux du dimanche -régal pour les touristes – et les centres commerciaux de la Chine d’aujourd’hui.
En Ouzbékistan, à proximité de Khiva. moment d’une rare intensité lors de la montée à la forteresse Ayaz Kala vieille de 2000 ans dont les restes sont figés dans le silence et la chaleur écrasante du désert. On imagine la caravane au loin qui rêve de l’ombre attendue dans la grande salle voutée encore debout.
Dans ce voyage nous avons été constamment ballotés entre le passé et le présent, entre la solitude -devant la dune magique de Dunhuang par exemple- et la cohue des grands bazars -celui de Och qui, deux jours après notre passage, a été le lieu de heurts sanglants entre kirghizes et ouzbèques-, entre la nostalgie -l’ancienne concession française à Shanghai- et la honte du passé -l’inscription « interdit aux chiens et aux Chinois » placardée en 1903 dans un parc de cette ville- , entre le froid (-5° dans la salle à manger du dîner à l’hôtel de Xiahe, ville à 2900 mètres d’altitude) et le chaud des villes d’Ouzbekistan, entre le ravissement -les gitanes tournant autour des voitures avec de l’encens pour chasser les mauvais esprits- et l’agacement devant l’ omniprésente police ouzbèque et la tatillonne chinoise à la frontière.
Bref un vrai voyage qui grâce à nos guides attentifs, cultivés, francophones de surcroit -une dizaine au total sur le parcours- , un parcours très étudié (4 voyages en avions, 2 trains de nuit et des milliers des km en voiture), un excellent choix d’hôtels a été un plaisir de bout en bout.
Michèle et Claude Lécluse. »